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Enseigner le civisme à l’heure de l’incivisme : « Les élèves sont le reflet des travers du monde adulte »

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Quand le président de la République a lu Ferdinand Buisson pour inspirer son « réarmement civique », a-t-il parcouru les pages consacrées à l’instruction morale et civique dans le Nouveau dictionnaire de pédagogie dudit pédagogue ? Ferdinand Buisson y compile les instructions réglementaires de cet enseignement, au moment où s’invente l’école laïque : un enseignement qui prend racine dans les croyances et la morale des familles, voire – impensable pour notre temps – s’appuie sur le travail du curé. Un enseignement qui est celui de son siècle (le XIXe siècle, rappelons-le), révolutionnaire et en même temps très prudent.
Ce qu’on pourrait retenir de la lecture de ces circulaires, dans un style un peu plus vivant que les nôtres d’aujourd’hui, c’est l’appel à un enseignement fondé sur l’exemple et l’exemplarité. « Il ne suffît pas de donner à l’élève des notions correctes et de le munir de sages maximes. » Ou encore : « Un cours de morale régulier, mais froid, banal et sec, n’enseigne pas la morale, parce qu’il ne la fait pas aimer » (circulaires de 1882 et 1887). Deux choses manquent en effet à l’équation dans un « réarmement civique » qui agite la matrice du passé : la force de nos exemples et l’idée d’une morale universelle défendue par toute la société.
Avec ces éléments manquants, les professeurs – le plus souvent d’histoire-géographie – doivent donc répondre à ce hiatus entre le discours des principes et l’exemple même. Faites un cours sur la démocratie ? « Oui, mais le 49-3 ! » Faites un cours sur la représentation ? « Oui, mais tel député a fait ça. » Faites un cours sur la citoyenneté et l’environnement ? « Oui mais on continue à polluer. » Faites un cours sur l’indépendance de la justice ? « Oui mais untel a dit que les juges, etc. » Faites un cours sur l’information ? « Telle chaîne, ils ont monté ça. »
Que cela soit dans des établissements favorisés ou défavorisés, ces discours d’adolescents peuvent aller d’une méfiance exacerbée à l’égard de l’Etat à l’endossement de discours radicaux contre l’Etat de droit. Nos élèves écoutent, entendent, lisent aussi tout ce qui circule. Le civisme est maltraité partout, des plateaux de télévision aux bancs de l’Assemblée nationale, parce que les adultes ont oublié qu’ils agissaient sous le regard des mineurs. C’est aussi simple que cela.
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